Premier café de la journée.
Celui qui me donnera le courage de réellement me lever. Sortir de mon lit douillet, affronter l’air frais, et le fait que je doive repartir pour une nouvelle journée.
Mon café du matin est soluble. Une question de practicité. Je le fais depuis mon oreiller. J’ai installé une bouilloire sur la table de nuit,
- celle de droite. -
Je l’ai branchée sur la prise servant normalement à brancher une veilleuse. Sauf que la petite lampe, moi je l’ai mise sur la table de gauche. J’ai placé une multiprise-double de ce côté-là. Du coup, je peux aussi y mettre le chargeur de mon smartphone. Il ne bouge jamais d’ailleurs, je ne le débranche pas. Comme ça, je sais qu’il est là et je charge toujours au même endroit.
Il n’y a rien de pire que de ne pas retrouver son chargeur quand on en a besoin. Enfin, si, mais bon, c’est une façon de parler.
J’en ai un autre sur mon bureau au travail.
Pour la même raison.
Je n’ai qu’une lampe puisque je suis la seule personne dans mon lit.
De toutes les façons, je n’ai jamais compris pourquoi il fallait deux veilleuses.
Peut-être pour que chacune puisse lire de son côté avant de se coucher, comme dans les films.
C’est bizarre. Si j’étais en couple, je préfèrerais discuter avec ma moitié.
Mais bon, qu’est-ce que j’en sais en réalité ?
Sur la tablette de gauche, j’ai donc branché mon petit électroménager.
Il ya quelques années, il y avait un cendrier à cette place. Mais c’est de l’histoire ancienne.
Je remplis la bouilloire d’eau tous les soirs avant de me glisser sous les draps, et je mets une cuillère bombée de café au fond de la tasse, avec une cuillère à côté.
Comme ça, lorsque le réveil sonne, je n’ai qu’à l’éteindre avec la main gauche, et lancer l’eau chaude avec la main droite.
J’enlève alors mes bouchons d’oreille et le premier son que j’entends est le doux bruit de l’eau frémissante.
Je bois la première gorgée assis’e sur mon lit. Pour contrer le courant d’air frais que je viens de me prendre en enlevant la couette. Ça me réchauffe à nouveau de l’intérieur. Puis je me lève.
Le deuxième café est moins léger.
Parce que clairement, le premier c’est juste de la flotte aromatisée, surtout avec une seule cuillère de poudre dans la tasse.
Non, le deuxième a plus d’impact, et un tout autre but : m’activer.
Il réveille mon cerveau après le trajet en métro, durant lequel je ne fais que boire de l’eau.
Je commande mon deuxième café au comptoir qui est situé au rez-de-chaussée de l’immeuble où je travaille. Il s’y vend du café, mais aussi des viennoiseries le matin, et des sandwichs et salades à l’heure du déjeuner.
Je prends un allongé, parfois accompagné d’un muffin aux myrtilles, ou d’un bretzel, ça dépend des matinées. Après avoir échangé une banalité avec la vendeuse, par politesse, et parce que personne n’est jamais courtois avec ce personnel, je vais m’installer à une table haute dans la cour.
Là, j’expose tous les signaux possibles pour éloigner tous les collègues qui voudraient potentiellement venir me parler. Pitié que l’on m’épargne encore pour quelques minutes les conversations agonisantes autour du travail et de nos vies pathétiques.
En réalité, je pourrais leur dire que j’ai fait de la peinture ce week-end dans mon studio sous les combles, que j’adore ça et me balader au hasard dans la capitale, mais plutôt crever. J’ai des frissons rien qu’à l’idée de leur livrer une petite partie de mon intériorité.
Donc je bois mon café, les yeux rivés sur mon téléphone, mon casque sur les oreilles, sans aucun regard autour de moi, je liste en silence mes réunions de la journée, et je planifie les scripts tout-faits que je vais pouvoir sortir à ceux que je vais inévitablement croiser dans la journée.
Mon bureau est situé au 7ème étage.
Je travaille avec mon casque toujours vissé sur les oreilles. Il camoufle une partie du bruit ambiant de l’open-space, et me permet de me concentrer sur ce qu’il y a devant moi. Sinon, je ne peux m’empêcher de rêvasser et d’écouter les bribes de discussions de celleux qui passent à côté. Car on peut dire qu’iels parlent entre eux. Toute la journée.
Moi je me cantonne aux moments obligés.
Comme, celui de la pause café.
Je me joins au groupe qui me propose de venir un peu après 10 heures.
Mais, allez savoir pourquoi, à ce moment-là, je prends toujours une tisane.
Ma pause à moi, elle est plus tard dans la journée.
Après le déjeuner, et après le goûter.
Je quitte le bureau, prend le bus, puis le métro. Je rentre chez moi, prends une douche, un en-cas, puis je redescends. En bas, dans la rue parallèle, il y a une petite vitrine.
Sur celle-ci on lit : “book-café”. C’est écrit en lettres néon, mais c’est stylé.
On entend presque le bruit de la lumière, ce petit grésillement qu’il y a dans les allées les moins recommandées des grandes villes. Dans la pénombre grandissante du crépuscule, c’est du plus bel effet à mon sens.
On y entre par une porte coulissante.
Je la referme derrière moi et vais directement m’installer dans un des canapés. Celui près de la vitrine. Il me permet d’observer les passants, un peu comme dans un aquarium. Ça a quelque chose de rassurant, voire même de réconfortant. Je regarde pendant un moment, l’air un peu absent certainement. Ça me fait du bien. Puis dans un léger raclement de soucoupe sur la table basse juste devant, on fait glisser vers moi, avec un sourire, une jolie tasse remplie à raz-bord. Un café, avec un nuage de lait.
Le coeur dessiné avec la mousse est imparfait, mais c’est ce qui fait sa beauté. Je prends la tasse en rendant le sourire, toujours.
Puis je sirote quelques gorgées. Mes muscles fondent et je m’installe enfin correctement dans le canapé : semi-allongé, avec le plaid qui était posé sur l’accoudoir, et mon livre laissé là la veille.
Souvent, on discute un peu. Lui depuis son bar, assis sur un tabouret avec son propre livre, et moi, depuis le canapé, avec le mien en mon latte. On se lit des passages à voix haute et on réagit en direct. Il arrive que l’on projette un court-métrage sur le mur blanc de l’entrée, ou que l’on écoute un album en entier.
Puis, je remonte chez moi, manger mon dîner en regardant les planètes par la fenêtre. Et je vais me coucher.
Une jolie surprise dans ma boîte mail, hâte de lire la suite !